Régime hypo-protéiné en cas d’insuffisance rénale ? Oui, mais…

Régime hypo-protéiné en cas d’insuffisance rénale ? Oui, mais…

Chère lectrice,
Cher lecteur,

Lorsque les reins ne fonctionnent plus correctement, naturopathes et médecins tombent d’accord : un régime alimentaire est la clé pour ne pas aggraver la situation.

Généralement, on préconise un régime pauvre en protéines.

Je n’ai rien à redire à cela, à condition de bien comprendre les enjeux de ce régime et de rééquilibrer l’ensemble de son alimentation.

Car dans le cas contraire, gare aux dommages collatéraux…

Un petit organe et beaucoup de travail

Les reins filtrent environ 180 litres de sang par jour.

Le sang passe dans les glomérules, des pelotes de petits vaisseaux sanguins dont la paroi fait office de filtre, et ressort de cette usine d’épuration débarrassé de divers déchets qui seront en partie évacués dans les urines.

Ce travail est déjà assez impressionnant en soi mais sachez que les efforts quotidiens des reins ne s’arrêtent pas là.

Ils réabsorbent aussi l’eau et les minéraux dont notre organisme a besoin et les renvoient dans la circulation sanguine.

Et ce n’est pas tout !

Les reins cumulent aussi d’autres fonctions :

  • Ils produisent l’érythropoïétine (EPO), qui intervient dans la fabrication des globules rouges ;
  • Ils produisent aussi la rénine et l’angiotensine, deux hormones impliquées dans la régulation de la pression artérielle ;
  • Ils transforment la vitamine D pour la rendre active et permettre à nos os de rester solides.

Cela fait beaucoup de travail pour deux petits organes d’à peine 12 centimètres de hauteur et 6 centimètres de large.

On comprend aisément que , sous l’influence de divers facteurs, les reins souffrent et n’arrivent parfois plus à produire les mêmes efforts… jusqu’à mener à l’insuffisance rénale.

Les déchets du corps ne sont alors plus aussi bien éliminés et les reins ne parviennent plus à équilibrer les différentes substances nécessaires à l’organisme : eau, sel, potassium, calcium, hormones…

Surviennent alors divers problèmes de santé comme :

  • L’hypertension artérielle (dérèglement de la production de rénine et d’angiotensine) ;
  • L’anémie (due à un déficit en érythropoïétine) ;
  • L’ostéoporose (la vitamine D n’est plus suffisamment activée) ;
  • Les maladies cardiovasculaires (lorsque la fonction rénale diminue le risque d’infarctus et d’accident vasculaire cérébral est majoré)1.

Attention à la dénutrition !

En cas d’insuffisance rénale avérée, le monde médical recommande de réduire les apports en protéines2.

Cette stratégie a fait ses preuves pour préserver les reins et limiter la progression de la maladie.

Notre consommation de protéines tourne généralement autour de 1.35 g par kg et par jour, et on entend parfois qu’il faudrait idéalement se limiter à 0.6 g/kg/jour si l’on est atteint d’insuffisance rénale.

Attention, les risques liés à ce type de régime ont conduit à revoir ce chiffre à la hausse et c’est une bonne chose selon moi.

On évoque maintenant plutôt 0,8 g/kg/jour.

En deçà, un risque de carence, voire de dénutrition peut survenir et entraîner de graves problèmes de santé, allant jusqu’à un risque de mortalité majoré3.

Il est donc fondamental de ne pas trop réduire votre consommation de protéines.

Pour ma part, je recommande de privilégier les protéines végétales plutôt qu’animales car elles sont beaucoup moins acidifiantes et sollicitent moins les reins.

En effet, les reins influent aussi sur l’équilibre acido-basique de l’organisme.

En cas d’insuffisance, les acides provenant de l’alimentation sont moins bien éliminés et l’organisme risque de souffrir d’acidose.

Il faut donc privilégier une alimentation alcalinisante qui privilégie les fruits et les légumes.

Dans l’idéal, il faudrait deux fois plus d’aliments alcalinisants dans l’assiette que d’aliments acidifiants (parmi eux, on compte la viande, le sucre et les céréales raffinés, les produits laitiers, les œufs, etc.).

Pour avoir de bons apports en protéines sans vous acidifier, vous pouvez piocher parmi :

  • Les légumes secs (avec modération, car ils contiennent beaucoup de potassium, je vous en parle plus bas) ;
  • Les oléagineux ;
  • Les tubercules comme la patate douce, la pomme de terre ou le manioc ;
  • Les produits à base de soja (avec modération pour la même raison que les légumes secs) ;
  • Les graines, comme celles de chanvre, de courge, de fenugrec ou de chia ;
  • Le quinoa ;
  • La spiruline.

Avec une consommation raisonnable de protéines animale, vous devriez facilement parvenir à un équilibre satisfaisant.

Il n’y a pas que les protéines à prendre en compte

Bien gérer ses apports en protéines est une bonne chose mais il ne faut pas oublier que d’autres habitudes alimentaires sont à prendre en considération lorsqu’on souffre d’insuffisance rénale.

Il vous faudra :

  1. Veiller à avoir de bons apports caloriques

Ce n’est pas le moment de faire un régime hypocalorique !

Assurez-vous de consommer au moins 30 kcal/kg/jour et de fournir à votre corps toute l’énergie dont il a besoin grâce à une alimentation saine et nourrissante.

  1. Réduire vos apports en sel

Le sel est bien souvent présent en trop grande quantité dans les aliments industriels transformés.

Le meilleur moyen de contrôler sa consommation est donc de cuisiner soi-même, en gardant la main légère lors de la préparation de vos plats et en ne les ressalant pas une fois à table !

Donnez plutôt du goût à vos plats avec des herbes et des épices.

Sinon, le gomasio (un mélange composé de 95 % de graines de sésame et de 5 % de sel) est une bonne alternative au sel pour cuisiner. Pensez-y !

  1. Faire attention au phosphore

En cas d’insuffisance rénale, le sang n’est pas correctement débarrassé du phosphore qui pourrait s’y trouver en excès.

Cela peut conduire à des dépôts dans les vaisseaux et entraîner d’autres problèmes de santé.

Les aliments qui contiennent le plus de phosphore sont les fromages, les fruits de mer, le cacao, le café, la chicorée, les œufs, les céréales, certains légumes comme le maïs, le céleri, les asperges, les épinards, le pissenlit, la courgette, le chou de Bruxelles…

Gare à ne pas trop en consommer.

  1. Éviter les excès de potassium

Pour les mêmes raisons, le potassium peut également se retrouver en excès dans le sang en cas d’insuffisance rénale et poser des problèmes cardiaques.

Évitez autant que possible les aliments qui en sont riches, comme le cacao, le café, les bananes, les fruits secs en général, l’avocat, la châtaigne, l’artichaut ou encore les légumes secs.

  1. Vous supplémenter en calcium, en fer et en vitamine D

Chaque cas étant particulier, je vous renvoie vers votre médecin pour juger si cela vous sera utile ou non.

Pour conclure, voici un petit tableau récapitulatif qui synthétise ce qui a été dit précédemment :

N’hésitez pas à évoquer tout cela avec votre néphrologue, votre médecin ou votre nutritionniste.

Ils sauront adapter votre alimentation selon votre situation personnelle.

Naturellement vôtre.

Stéphane Morales pour Eric Müller

Sources:

[1] Di Lullo L, et al. Chronic kidney disease and cardiovascular complications. Heart Fail Rev. 2015
[2] Kalantar-Zadeh K, Fouque D. Nutritional Management of Chronic Kidney Disease. N Engl J Med. 2017
[3] Kopple JD. McCollum Award Lecture, 1996: Protein-energy malnutrition in maintenance dialysis patients. Am J Clin Nutr 1997

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jbal
4 mois il y a

Très bien! mais il serait plus vite fait de dire se qui va bien et en quelle quantité….

dimdammeister
4 mois il y a

Avis personnel. Tres bien ecrit…

Nemesis
4 mois il y a

Merci, avec un peu trop d’acidose cette info m’est très utile.
Les généralistes ? Souvent nuls en alimentation. Trois crises
de colique néphrétique, trois médecins différents, zéro conseil
alimentaire sérieux !