À l’époque où l’agriculture occupait presque toute la population de nos régions, je n’aurais pas osé poser la question.
Bien évidemment, les légumes, viandes et poissons frais étaient alors bien meilleurs pour la santé.
Mais aujourd’hui, la question nécessite d’être étudiée à nouveau. Notre souvenir d’une agriculture à l’ancienne est tenace. À tel point que nous continuons d’idéaliser les produits frais.
Des légumes qui n’ont de « frais » que le nom
Ceux qui cultivent leur potager savent qu’une fois cueillie, une salade ou une tomate doit être immédiatement mangée. Idéalement le même jour. Car le soir, déjà, elle commencera à flétrir ou pourrir. Il serait impensable de la conserver une semaine.
Par comparaison, les salades et les tomates du supermarché paraissent immortelles. Vous pouvez les oublier au frigo, leur apparence changera à peine. Leur goût sera toujours aussi quelconque, lui aussi.
Cette « immortalité » est surtout obtenue grâce aux différents traitements qui suivent la cueillette.
N’allez pas mesurer leur niveau de pesticides car vous serez affolés.
D’ailleurs, entre la date où le légume est cueilli et celle de sa consommation, il ne cesse de perdre ses bons nutriments. Vous imaginez bien qu’une tomate « fraîche » depuis 3 semaines a complètement perdu sa valeur nutritive.
La modification des variétés et des méthodes de culture nous permet d’acheter ces légumes en toutes saisons. Mais je refuse le compromis sur la saveur, la qualité nutritive des produits et leur haute concentration en substances indésirables (pesticides). Ce ne sont plus des légumes dignes de ce nom.
À quoi bon parler de « légumes frais » dans ces conditions ?
D’ailleurs, ça ne m’étonne pas que la jeune génération perde l’habitude de manger des fruits et légumes. Je sais que c’est une évolution consternante pour les anciens.
Mais moi-même, j’ai cessé d’acheter ce genre de tomates au « rayon frais ».
C’est pourquoi je vous encourage comme moi à cesser de les considérer comme des « produits frais ».
Lorsqu’une simple grappe de raisin nous vient de l’hémisphère sud, ou qu’une pêche refuse obstinément de mûrir, je considère qu’il s’agit d’un « fruit cru », mais il est faux de dire qu’il est « frais ».
Témoignez, avant qu’il ne soit trop tard
Alors, ne vous en privez pas… expliquez aux générations à venir ce qu’est un vrai produit frais et savoureux. Parler d’un « bon légume » n’a plus rien d’une évidence. Vous savez que, dans votre jeunesse, les fruits et légumes avaient ce goût irrésistible.
Mais les jeunes, eux, ne le savent pas. Ils n’ont pour ainsi dire aucune expérience de la terre, ni de l’agriculture traditionnelle.
Les surgelés et les conserves sont-ils la solution ?
Intuitivement, on se disait qu’il vaut mieux manger frais, car quelle que soit la conservation, on perd des nutriments essentiels dans le processus.
Mais si les produits dits « frais » ont perdu tous leurs nutriments car trop longtemps coupés de leurs racines, qu’en est-il des conserves et des surgelés ?
Eh bien, par comparaison, la situation n’est pas si mauvaise.
L’énorme avantage des produits surgelés et en conserve est qu’ils sont fabriqués au bon moment, au bon endroit.
Les bonnes conserveries de tomates italiennes sont installées à quelques kilomètres du champ où ont poussé les tomates. Et lorsque les producteurs sont sérieux, ils récoltent les tomates ayant mûri jusqu’au bout sur leur plant et au pic de la saison.
Cela fait une différence énorme pour les saveurs.
Autre détail non négligeable, il ne s’écoule que 5 heures entre le moment où le légume est cueilli et l’instant où la conserve est scellée pour de bon. Cela à condition que le producteur soit consciencieux.
Or, en l’espace de 5 heures, la perte en nutriments est minimale.
La congélation offre le même avantage. Des études ont montré que les myrtilles cueillies à la bonne saison puis congelées le même jour conservent remarquablement bien leur pouvoir antioxydant tant recherché [1] [2].
De même sur les bateaux : les poissons pêchés sont immédiatement mis dans des grands congélateurs qui réduisent les pertes en nutriments. Il est donc particulièrement intéressant d’acheter des poissons surgelés entiers (non découpés en filets).
Attention car la perte en nutriments (surtout vitamines) recommence dès la décongélation. C’est pourquoi il n’est pas conseillé de laisser dégeler un produit toute une journée avant de le consommer ou de le cuire [3].
Les conserves appertisées
La conserve appertisée est une innovation dont on peut dire qu’elle a facilité le progrès de l’humanité. Elle a aidé la progression des marins dans des conditions adverses. Elle a sauvé les populations de la famine pendant les guerres. Elle a permis des nourrir des millions de personnes à bas coût.
Inventée en 1795 par Nicolas Appert, la conserve « appertisée » est simple dans sa conception.
Il faut sceller les fruits, légumes crus dans une boîte remplie d’eau. Ensuite, la boîte est chauffée à 100-120°C pendant quelques minutes. Cela permet d’éliminer tous les micro-organismes pour stériliser la conserve. Ces deux étapes suffisent à créer une conserve de longue durée sans agents conservateurs.
Lors de cette cuisson rapide, on estime que 35 % des vitamines les plus fragiles sont détruites (et 50 % pour la vitamine C) [4] [5].
En revanche, peu de gens savent que l’appertisation peut améliorer la biodisponibilité des antioxydants. L’expérience a été menée avec le lycopène (antioxydant) des tomates. Des tomates en conserve apportaient plus de lycopène disponible que des tomates fraîches [6]. Les tomates contenaient aussi plus méthanol, ce qui n’est pas souhaitable. La solution consiste à cuire les tomates en conserve pour évacuer leur excédent de méthanol [7].
Les minéraux et fibres restent stables tout au long du processus d’appertisation [8].
Une partie des minéraux passe dans le jus de la conserve. Pour ne rien perdre, récupérez le jus et ne rincez pas les légumes.
À savoir sur les emballages de conserves
Les conserves sont plus souvent en métal qu’en verre. Malgré tout, il vaut mieux choisir celles en bocaux de verre. Vous aurez remarqué que les magasins bio proposent surtout ce type de conserves.
Attention à bien garder vos conserves en verre à l’abri de la lumière. C’est incompréhensible, mais quasiment toutes les conserves sont dans des contenants en verre transparent. Les producteurs devraient utiliser du verre fumé comme pour le vin et l’huile d’olive, qui sont aussi sensibles à la lumière.
Faut-il croire que les bocaux en verre fumé rendent les conserves moins appétissantes ?
Le métal est largement utilisé car il est solide pour le transport, pas cher, et qu’il se recycle facilement.
Malheureusement, les industriels ont pris l’habitude d’utiliser un revêtement intérieur à base de bisphénol A, qui permet d’allonger la durée de vie de la conserve.
Cependant le bisphénol A est un perturbateur endocrinien. Cela signifie qu’il vient artificiellement modifier vos taux d’hormones. Il peut avoir des conséquences dramatiques sur la santé [10].
En France, le bisphénol A est désormais interdit dans les emballages, mais vérifiez bien les étiquettes.
L’autre problème des conserves en métal vient de celles faites en aluminium. Avec le temps, le contenu de la conserve peut absorber de l’aluminium, dont les effets délétères sur la santé ont été démontrés depuis plus de 15 ans[11].
Comparaison scientifique des modes de conservation
En 2009, la revue Food Research International a publié une vaste comparaison [9] de la résistance des antioxydants dans 25 légumes courants lorsqu’ils subissaient :
- 7 jours au réfrigérateur à 4°C quand ils sont achetés « frais »
- 8 mois au congélateur à -20°C
- 18 mois en conserve
L’étude a été entièrement décortiquée par Jean-Marc Dupuis dans son article ici.
Aucune des 3 méthodes de conservation n’est idéale. Les boîtes de conserves sont les moins efficaces pour préserver les antioxydants, mis à part pour les tomates. La congélation est pratique pour garder les produits crus longtemps – comme les myrtilles, les poissons, et la viande. La réfrigération est acceptable à condition de manger les produits le jour même.
Bien à vous,
Eric Müller
J’aimerais, dans la continuité de se thème, avoir votre avis ou vos infos sur les autres méthodes de conservation et plus celles qui nous sont accessibles à élaborer, voir même des comparaisons entre les différentes conservations, déshydratées, pasteurisées, bain marie ,au sel, séché puis germé ensuite…
Merci et bonne continuité pour vos infos.
Que pensez -vous de l’alimentation déshydratée ?
« D’ailleurs, ça ne m’étonne pas que la jeune génération perde l’habitude de manger des fruits et légumes. Je sais que c’est une évolution consternante pour les anciens. »
Pourriez vous dater cette époque? J’ai toujours entendu que c’était mieux « avant » mais je ne sais pas avant quoi. J’ai acheté un chou bio il y a dix jours, j’en ai mangé rapidement la moitié l’autre est resté au réfrigérateur, il a toujours fier allure. La putréfaction si elle est en route ne se voit pas encore et je mangerai mon chou demain, cru avec des carottes crues (même date d’achat et même moyen de conservation) en coleslaw. Je les considère toujours comme produits frais
Très intéressant ! Mais n’oublions pas les conserves par fermentation, à faire sans cuisson, qui sont beaucoup moins destructrices au niveau des nutriments et vitamines, bien que moins utilisées.
Mais comme il est vrai que les fruits et légumes frais ont perdu de leur goût en une trentaine d’années. Malheureusement, l’obligation pour les agriculteurs de n’utiliser que des OGM partout nous fait manger des végétaux malades. Comment cela pourrait-il être bon pour la santé?
Pour ceux qui font pousser leurs propres légumes et qui ne veulent pas d’OGM, il existe encore, heureusement, quelques rares endroits où se procurer des semences saines.
Concernant la technique d’appertisation, il ne suffit pas de chauffer quelques minutes à 100–120 °C pour détruire toutes les spores de bactéries dangereuses. A 100°C il s’agit de la technique de pasteurisation, pour produire une semi- conserve. Des calculs scientifiques permettent de calculer précisément la valeur stérilisatrice, pour chaque type de conserve. (format du contenant, contamination initiale, acidité du contenu, etc …)
Bonjour,
Je suis désolé mais si mes souvenirs sont bons, la pasteurisation consiste à chauffer à moins de 100 degrés (aux alentours de 70 degrés et 80 pour la flash pasteurisation) on parle bien de stérilisation à partir de 100 degrés, afin de détruire les spores thermorésistante il y a un procédé spécifique (couple temps/température) qui est appliqué détruisant par la même les enzymes (peroxydases etc) dans les légumes.
tous les gens qui ont un potager bio savent bien à quel point vous avez raison à propos des produits frais. quand je récolte mes légumes, au bout de 2-3 jours ils commencent à avoir une allure non vendable et je me demande comment les super marchés font pour que leurs légumes aient toujours l’aspect du « neuf » ! 😀 ils trichent bien sur mais de là à en parler avec la plupart des gens, mêmes mes amis, il ne faut pas pousser, j’en ai marre de passer pour un illuminé : )
Bonjour,
J ai lu avec le pus vif interet votre article sur les modes de conservation des legumes.Mais l
etude americaine concerne les legumes de supermarchés et donc issus d agriculture inrensive.
Il en va tout autrement des legumes bio dont la conservation est remarquable et sans aucun rapport avec celle des legumes « intensifs », carences en nutriments , forcés à l eau et qui pourissent rapidement.
Dans mon enfance ( années 50), mes grands parents avaient un verger et les pommes ramassées en septembre se conservaient sans probleme dans de grands tiroirs avec un fond de paille jusqu à Paques ( 7 mois ! ); Je me rappelle l odeur extraordinaire de la serre ou se trouvaient les pommes.
Comme vous le dites tres justement, les gener