Je viens de lire une surprenante étude bordelaise qui s’est intéressée à l’utilisation des laxatifs en automédication chez les plus de 60 ans.
Selon leurs observations menées auprès de 100 personnes, 60% d’entre elles consomment régulièrement des laxatifs depuis plus d’un an. Plus de 35% de l’échantillonnage en utilisent quotidiennement, et près de 30% plusieurs fois par semaine ! Une découverte qui cache un vrai problème de santé : la constipation.
Et c’est rarement un sujet que nous osons aborder avec notre médecin. Pourtant la constipation passagère ou chronique touche environ 30% des Français. Les femmes sont d’ailleurs 3 fois plus touchées que les hommes.
Véritable source d’inconfort, de douleur, d’auto-intoxication, cette perturbation est souvent le point de départ de troubles plus graves (polypes, cancer colorectal, maladie neurodégénérative…).
Mais ne vous y trompez pas, une constipation n’arrive pas au hasard. C’est une combinaison de causes où les habitudes de vie jouent un rôle prépondérant. Et si les laxatifs semblent être la bonne solution pour débloquer la situation, ils ne font en réalité qu’aggraver le problème. Ils vont tout simplement perturber votre transit et les bactéries présentes dans votre microbiote intestinal.
Transit : la bonne fréquence n’existe pas !
Cela va peut-être vous surprendre, mais la définition de constipation est très subjective. D’ailleurs pour la science médicale, la fréquence « idéale » d’émission des selles varie de 3 fois par jour à 3 fois par semaine. Cette amplitude gigantesque laisse une grande place à l’interprétation. Résultat : l’idée qu’aller à la selle quotidiennement est nécessaire à une bonne santé est une des raisons qui explique que certains laxatifs soient pris quotidiennement [1] [2].
L’étude de Koch et al. confirme cette croyance erronée. Elle a interrogé 6 personnes d’âge médian de 84 ans pour connaître leur définition de la constipation, et la conduite qu’elles tenaient pour y remédier. Cinq d’entre elles se considèrent constipées si elles n’ont pas été à la selle au moins une fois par jour. Elles affirment également prendre un laxatif pour « relancer leur transit ».
Ce constat a été corrélé dans d’autres études qui ont aussi démontré que la prévalence de la constipation augmente avec l’âge. Elle concerne 1/3 des 60 ans contre 16% de la population générale [3].
Alors bien sûr, la vie est beaucoup plus agréable lorsque notre transit permet de déféquer fréquemment. Cependant, retenez qu’une fois par jour est plutôt une moyenne qu’une norme. Ainsi, ne pas aller à la selle tous les jours n’est ni grave, ni pathologique.
Ne comptez plus le nombre de fois
En réalité, pour savoir si vous souffrez de constipation, il faudra analyser vos selles. C’est réellement la seule façon pour déceler un problème de transit. Et plus que la fréquence, c’est la notion de consistance qui est essentielle.
Pour vous aider à bien faire la différence, je vous conseille de vous référer à l’échelle établie par l’Université de Bristol.

D’après leur classification, les selles de type 1 et 2 relèvent de la constipation sévère. Elles sont sèches, dures, parfois en petites billes, et souvent douloureuses à l’évacuation [4].
6 questions à vous poser pour relancer votre transit
1 Buvez-vous suffisamment ?
Il existe une très faible différence entre le taux d’hydratation nécessaire à votre organisme et celui qui peut provoquer une constipation. Cela se joue seulement entre 2 et 3% ! Et lorsque le quota n’est pas suffisant, le corps compense ce manque. C’est ainsi que vos matières fécales se dessèchent.
Je vous recommande alors de prendre l’habitude de toujours avoir une bouteille en verre avec vous d’au moins 1 litre. Remplissez là tous les matins. Le soir, vérifiez bien que vous avez tout bu. Si vous n’arrivez pas à boire autant d’eau, pensez aux tisanes et jus de légumes frais.
2 Savez-vous où trouver les bonnes fibres ?
Vous entendez souvent parler des fibres pour remédier à la constipation. Effectivement, elles jouent un rôle essentiel, mais elles n’agissent pas toutes de la même façon. Certaines vont améliorer la situation, d’autres l’aggraver. Cela va dépendre de leur capacité à retenir l’eau.
Je vous suggère donc de privilégier les fibres insolubles telles que :
- Les brocolis,
- Les choux-fleurs,
- Les navets,
- Les melons,
- Les raisins,
- Les légumineuses (pois cassés, lentilles…),
- Et toutes les céréales complètes.
Si vous n’avez pas l’habitude d’en manger, augmentez progressivement vos apports afin d’éviter d’éventuels ballonnements.
À l’inverse, limitez votre consommation de fibres totalement solubles (blettes, épinards…). Vous trouverez un tableau récapitulatif à la fin de ma lettre.
3 Où en sont vos apports en matières grasses ?
Souvent évitées, les matières grasses vont pourtant vous aider à retrouver un bon transit. Elles sont d’ailleurs essentielles pour déclencher la chasse biliaire par la vésicule. Comprenez qu’elles interviennent pour « lubrifier » le bol fécal et permettre aux selles de « glisser » plus facilement dans l’intestin. Elles vont aussi favoriser le péristaltisme : le mouvement naturel des avancées des matières fécales.
Mon conseil est donc d’en consommer suffisamment à raison d’une cuillère à soupe par jour. Préférez des bonnes huiles telles que l’huile d’olive pressée à froid, de lin, de noix ou encore d’avocat.
4 Bougez-vous assez ?
La sédentarité a tendance à ralentir le transit. Il faut donc favoriser le mouvement à l’intérieur de vos intestins. Une marche de 40 minutes suffit pour stimuler votre transit. L’avantage, c’est que vous n’êtes pas obligé de le faire en une seule fois. Vous pouvez répartir cette durée après ou avant chaque repas.
5 Seriez-vous intolérant sans le savoir ?
Il est possible que votre constipation résulte d’une intolérance méconnue. Plusieurs études ont démontré qu’une intolérance aux protéines du lait de vache ou au gluten favorise le ralentissement du transit et irrite la muqueuse intestinale[5] [6]. Ce phénomène est à relier directement au problème de l’intestin poreux. Dans ce cas, la réaction inflammatoire perturbe le fonctionnement normal de l’intestin, donc le péristaltisme.
Pour savoir si vous êtes concernés, commencez par retirer de votre alimentation quotidienne les produits à base de blé, de seigle, d’orge d’avoine [7]. Faites de même pour le lait de vache. Si au bout de quelques semaines vous constatez une amélioration, réintroduisez un seul aliment à la fois. Vous pourrez ainsi découvrir celui qui est en cause.
6 Comment vous sentez-vous ?
Le stress chronique est bien connu comme facteur d’une constipation. Car c’est lui qui influence directement le système nerveux autonome qui commande les muscles intestinaux chargés de faire avancer les selles. Dans ce cas, les spasmes entravent le transit [8]. On retrouve ce phénomène chez ceux qui ont le sommeil perturbé. Le même mode spasmodique est induit provoquant une surconsommation du magnésium. C’est ainsi que la constipation s’installe.
La première chose à faire est d’envisager une cure de magnésium : 600 à 900 mg par jour. Vous pouvez aussi l’associer avec des vitamines du groupe B et de la taurine. Concernant le stress : à vous de trouver ce qui peut vous relaxer (écouter de la musique, lire un livre…) Vous pouvez aussi essayer de le moduler à l’aide d’une technique de relaxation, de respiration ou de visualisation positive. La sophrologie ou l’hypnose ericksonienne peuvent également être de bonnes options.
Bien à vous,
Eric Müller
P. S. :
Tableau récapitulatif des différentes fibres par aliment
CATÉGORIE | FIBRES SOLUBLES | FIBRES INSOLUBLES |
LÉGUMES | Aubergine, Artichaut, Asperge, Avocat, Betterave, Carotte, Champignon, Courge, Courgette, Céleri feuille, Endives, épinard, Haricot vert, Laitue, Oignon cuit, Panais, Patate douce, Pomme de terre sans pelure (max 2x/sem, à la vapeur ou à l’étouffée et éviter la purée), Poireau (blanc), Poivron, Potiron, Tomate sans peau et épépinées. * préférez-les cuits que crus | Brocoli, Céleri cru – en branche, Famille de choux : chou-fleur, chou de Bruxelles, chou de Savoie, chou chinois… Concombre, Côte de blette, Fenouil, Maïs, Navet, Oignon cru, Pomme de terre avec pelure, Pois, Radis, Rutabaga, Salsifis, Vert de poireaux. |
FRUITS | Abricot, Ananas, Banane, Bleuet, Canneberge, Clémentine, Citron, Framboise, Fraise, Fruit de la passion (Leurs petits noyaux pourraient irriter l’intestin chez certains. À consommer selon la tolérance.) Kiwi, Kumquat, Lime, Mandarine, Mûre, Myrtille, Nectarine, Orange, Pamplemousse, Pêche, Pomme, Poire, Rhubarbe. * pelez les fruits et préférez-les très mûrs (surtout les abricots, bananes, pommes, poires, pêches.) | Carambole, Cerise, Goyave, Litchi, Mangue, Melon , Papaye, Raisin. |
FRUITS SECS ET OLÉAGINEUX | Fruits séchés : Abricot, Datte, Figue, Pêche, Pomme, Poire, Prune, Raisin. Oléagineux : Amande, Cacahuètes, etc. * tester sa tolérance aux oléagineux progressivement | |
Céréales et Graines | Avoine* (flocons, son, farine), céréales d’avoine Millet Orge (crème, farine, céréales) Psyllium (Ispaghul) Quinoa Riz basmati Sarrasin Seigle, pain de seigle Graines de chia, salba de préférence moulu avec trempage. | Blé* (entier, son, germe, pain, pâtes…) Boulgour Céréales multi graines, pains multigrains Épeautre Farine de coco Maïs entier Pain aux graines de lin Graines de céleri, graines de chanvre, graines de lin, autres graines non moulues. |
LÉGUMINEUSES | Toutes : Haricot sec, flageolet, lentille, pois, pois-chiche… |
Sources:
Sources :
[1] Théophile H, Miremont-Salamé G, Abouelfath A, Bégaud B, Haramburu F. Patterns
of laxative use in self-medication. Ann Pharmacother. déc 2009;43(12):2122‑3.
[2] Motola G, Mazzeo F, Rinaldi B, Capuano A, Rossi S, Russo F, et al. Self-prescribed
laxative use: a drug-utilization review. Adv Ther. oct 2002;19(5):203‑8.
[3] Costilla VC, Foxx-Orenstein AE. Constipation: understanding mechanisms and
management. Clin Geriatr Med. févr 2014;30(1):107‑15.
[4] Stool form scale as a useful guide to intestinal transit time, Lewis SJ, Heaton KW, Scand J Gastroenterol, 1997 Sep;32(9):920-4.
[5] Daher S, Tahan S, Solé D, Naspitz CK, Da Silva Patrí- cio FR, Neto UF, De Morais MB. Cow’s milk protein intolerance and chronic constipation in children. Pediatr Allergy Immunol. 2001 Dec;12(6):339-42.
[6] Lacono G, Cavataio F, Montalto G, Florena A, Tumminello M, Soresi M, Notarbartolo A, Car- roccio A. «Intolerance of cow’s milk and chronic constipation
in children.» N Engl J Med. 1998 Oct 15;339(16):1100-4.
[7] Il existe de l’avoine sans gluten mais l’avenine qu’il contient est proche de la gliadine du blé et peut causer les mêmes troubles.
[8] Constipation : lisez ceci avant de prendre des laxatifs, Solutions Naturopathie, juin 2018
Crédits : Alrandir-Shutterstock.com
Vous avez oublié le déclencheur principal ! pour moi, cela a été la délivrance : le topinambour ! un petit morceau (cuit) dans mes autres préparations, c’est absolument incroyable. Après avoir « tout » essayé, je m’y suis « abonné ». De plus, ayant un jardin, j’en plante et c’est un légume peu exigeant et très prolifique !
Cordialement, MD