Chirurgie placebo !?

Chirurgie placebo !?

Chère lectrice,
Cher lecteur,

Vous connaissez le placebo – une pastille sucrée qui ressemble à un médicament, mais sans substance active.

Le placebo est essentiel dans la recherche médicale. Sans lui, on ne pourrait pas isoler l’effet psychologique d’un traitement médical.

Mais saviez-vous qu’il existe de la chirurgie placebo (sham surgery) ? Elle permet d’identifier les opérations chirurgicales inutiles – et il en existe !

En chirurgie, le patient passe par des étapes marquantes qui n’ont pas d’effet thérapeutique direct :

  • L’anesthésie
  • Le traumatisme de l’incision et de la cicatrice
  • Les soins avant et après l’opération

Dans les années 1950, on a commencé à soupçonner que ces étapes pourraient avoir un effet placebo.

Mais avant, d’en parler, je dois vous raconter comment la chirurgie placebo a été inventée.

Le médecin italien qui pensait avoir trouvé la solution aux angines de poitrine

En 1939, le Dr Fieschi, un chirurgien italien, cherche à soulager ses patients souffrant de douleurs de poitrine (angines de poitrine).

Le Dr Fieschi se dit qu’il pourrait soulager leurs douleurs de poitrine en augmentant la pression sanguine vers le cœur – et donc vers le myocarde, le muscle du cœur.

Il tente la procédure suivante : faire deux petites incisions dans la poitrine pour ligaturer les artères thoraciques internes[1][2]. Moins de diamètre = plus de pression. La logique paraît infaillible.

Et, en effet, les résultats sont spectaculaires : 3 patients sur 4 constatent une amélioration. 1 patient sur 3 est complètement guéri.

Vingt ans plus tard, en 1959, aux États-Unis, les National Institutes of Health demandent à un jeune cardiologue de Seattle, le Dr Leonard A. Cobb de tester l’efficacité de la méthode du Dr Fieschi.

Le Dr Cobb rassemble 17 patients. 8 subissent une ligature des artères thoraciques internes. Les 9 autres ne subissent que les petites incisions – mais pas de ligatures. Assez pour leur faire croire que l’intervention chirurgicale a eu lieu.

Résultat : la chirurgie factice s’est révélée aussi efficace que la vraie ligature[3].

Autrement dit, en chirurgie placebo :

  1. On vous prend en charge avant l’intervention
  2. On vous anesthésie
  3. On vous ouvre la peau à l’endroit de l’intervention supposée
  4. On referme la plaie sans qu’une intervention n’ait été pratiquée
  5. On vous réveille
  6. On prend soin de vous après cette fausse opération chirurgicale
  7. Et on voit si vous ne seriez pas guéri par hasard

Ça vous paraît fou, n’est-ce pas ?

Ce fut le début (et la fin) de la chirurgie placebo.

Aimeriez-vous participer à un essai clinique impliquant une chirurgie placebo ?

Aimeriez-vous jouer au jeu de la chirurgie factice ?

J’imagine que non. Moi non plus.

Entre l’anesthésie qui n’est pas sans risque, et la cicatrice gratuite…

… la chirurgie placebo présente de gros problèmes éthiques.

Par exemple, un spécialiste en bioéthique de l’Université de Pennsylvanie, le Dr Arthur Caplan, a dit : « un placebo devrait être inerte et inoffensif »[4].

C’est sans doute la raison pour laquelle la chirurgie placebo n’a jamais vraiment décollé… alors que d’autres essais cliniques ont montré son efficacité.

En 2001, des chercheurs ont néanmoins publié les résultats d’un nouvel essai clinique utilisant la chirurgie placebo.

40 sujets atteints de Parkinson avancé ont été divisés en deux groupes[5] :

  • Les sujets du premier groupe ont subi une transplantation de cellules nerveuses. Pour cela, les chirurgiens ont fait quatre petits trous dans leur crâne pour y injecter les cellules nerveuses.
  • Aux sujets du second groupe, on a fait les quatre trous dans le crâne, sans rien y injecter.

Résultat : aucune différence entre les deux groupes. Cette étude a donc montré que la transplantation de cellules nerveuses n’avait aucun effet sur la maladie de Parkinson.

La chirurgie placebo a aussi permis de prouver que la chirurgie arthroscopie était inefficace contre l’arthrose du genou[6].

Il faut avouer que les résultats sont là.

Mais je suis rassuré de savoir que les médecins sont largement défavorables à la chirurgie placebo, surtout pour les interventions chirurgicales très invasives[7].

On voit que la chirurgie placebo est un sujet complexe qui nous ramène à l’utilitarisme de Jeremy Bentham :

Peut-on sacrifier quelques individus pour le bien-être de toute une population ?

Pour ma part, je m’en tiens au vieux commandement :

Ne faites pas aux autres, ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse.

Pour moi, la chirurgie placebo montre que…

… le fait qu’une technique efficace existe n’implique qu’il faille y recourir.

Il y a des limites !

Bien à vous,

Eric Müller

Sources:

Chère lectrice,<br /> Cher lecteur,Vous connaissez le placebo – une pastille sucrée qui ressemble à un médicament, mais sans substance active.Le placebo est essentiel dans la recherche médicale. Sans lui, on ne pourrait pas isoler l’<strong>effet psychologique</strong> d’un traitement médical.Mais saviez-vous qu’il existe de la chirurgie placebo (<em>sham surgery</em>) ? Elle permet d’identifier les opérations chirurgicales inutiles – et il en existe !En chirurgie, le patient passe par des étapes marquantes qui n’ont pas d'effet thérapeutique direct :<li>L’anesthésie</li><li>Le traumatisme de l’incision et de la cicatrice</li><li>Les soins <u>avant</u> et <u>après</u> l’opération</li> Dans les années 1950, on a commencé à soupçonner que ces étapes pourraient avoir un effet placebo.Mais avant, d’en parler, je dois vous raconter comment la chirurgie placebo a été inventée.Le médecin italien qui pensait avoir trouvé la solution aux angines de poitrineEn 1939, le Dr Fieschi, un chirurgien italien, cherche à soulager ses patients souffrant de douleurs de poitrine (angines de poitrine).Le Dr Fieschi se dit qu’il pourrait soulager leurs douleurs de poitrine en <strong>augmentant la pression sanguine <u>vers</u> le cœur </strong>– et donc vers le myocarde, le muscle du cœur.Il tente la procédure suivante : faire deux petites incisions dans la poitrine pour ligaturer les artères thoraciques internes<sup>[1]</sup>-<sup>[2]</sup>. Moins de diamètre = plus de pression. La logique paraît infaillible.Et, en effet, les résultats sont spectaculaires : 3 patients sur 4 constatent une amélioration. 1 patient sur 3 est complètement guéri.Vingt ans plus tard, en 1959, aux États-Unis, les <em>National Institutes of Health</em> demandent à un jeune cardiologue de Seattle, le Dr Leonard A. Cobb de tester l’efficacité de la méthode du Dr Fieschi.Le Dr Cobb rassemble 17 patients. 8 subissent une ligature des artères thoraciques internes. Les 9 autres ne subissent que les petites incisions – mais pas de ligatures. Assez pour leur faire croire que l’intervention chirurgicale a eu lieu.Résultat : la chirurgie factice s’est révélée aussi efficace que la vraie ligature<sup>[3]</sup>.Autrement dit, en <strong>chirurgie placebo</strong> :<li>On vous <em>prend en charge</em> avant l’intervention</li><li>On vous anesthésie</li><li>On vous ouvre la peau à l’endroit de l’intervention supposée</li><li>On referme la plaie <em>sans qu’une intervention n’ait été pratiquée</em></li><li>On vous réveille</li><li>On prend soin de vous après cette <em>fausse</em> opération chirurgicale</li><li>Et on voit si vous ne seriez pas guéri par hasard</li> Ça vous paraît fou, n'est-ce pas ?Ce fut le début (et la fin) de la chirurgie placebo.Aimeriez-vous participer à un essai clinique impliquant une chirurgie placebo ?Aimeriez-vous jouer au jeu de la chirurgie factice ?J'imagine que non. Moi non plus.Entre l’anesthésie qui n’est pas sans risque, et la cicatrice gratuite…… la chirurgie placebo présente de gros <strong>problèmes éthiques</strong>.Par exemple, un spécialiste en bioéthique de l’Université de Pennsylvanie, le Dr Arthur Caplan, a dit : « un placebo devrait être inerte et inoffensif »<sup>[4]</sup>.C’est sans doute la raison pour laquelle la chirurgie placebo n’a jamais vraiment décollé... alors que d'autres essais cliniques ont montré son efficacité.En 2001, des chercheurs ont néanmoins publié les résultats d’un nouvel essai clinique utilisant la chirurgie placebo.40 sujets atteints de Parkinson avancé ont été divisés en deux groupes<sup>[5]</sup> :<li>Les sujets du premier groupe ont subi une transplantation de cellules nerveuses. Pour cela, les chirurgiens ont fait quatre petits trous dans leur crâne pour y injecter les cellules nerveuses.</li><li>Aux sujets du second groupe, on a fait les quatre trous dans le crâne, sans rien y injecter.</li> Résultat : <span style="text-decoration: underline;" data-mce-style="text-decoration: underline;">aucune différence entre les deux groupes</span>. Cette étude a donc montré que la transplantation de cellules nerveuses n’avait aucun effet sur la maladie de Parkinson.La chirurgie placebo a aussi permis de prouver que la chirurgie arthroscopie était inefficace contre l’arthrose du genou<sup>[6]</sup>.Il faut avouer que les résultats sont là.Mais je suis rassuré de savoir que les médecins sont largement défavorables à la chirurgie placebo, surtout pour les interventions chirurgicales très invasives<sup>[7]</sup>.On voit que la chirurgie placebo est un sujet complexe qui nous ramène à l’utilitarisme de Jeremy Bentham :<em>Peut-on sacrifier quelques individus pour le bien-être de toute une population ?</em>Pour ma part, je m’en tiens au vieux commandement :<em>Ne faites pas aux autres, ce que vous ne voudriez pas que l’on vous fasse.</em>Pour moi, la chirurgie placebo montre que...... le fait qu'une technique efficace existe n'implique qu'il faille y recourir.Il y a des limites !Bien à vous,Eric Müller
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Maflor
3 années il y a

Merci pour cette excellente présentation d’un sujet dont on entend très peu parler.
C’est en fait une bonne « photo » de ce qu’on peut effectuer en aigu, en ne tenant compte que d’un symptôme. Même si le patient réagit nettement sur le moment, il n’est pas mentionné ce qu’il advient de lui par la suite. En effet, en cas de suppression de symptômes, on peut observer facilement que soit le symptôme revient, soit il se déplace dans le corps sous une autre forme.
Il est triste de constater combien la médecine s’est simplifiée alors que l’être humain reste toujours aussi complexe…

Micheline
4 années il y a

Et vous croyez qu’on ne sacrifie pas des individus avec tous ces médicaments qui tuent plus qu’ils ne soignent , avec tous ces enfants qui seront peut-être sacrifiés avec tous ces vaccins ? Alors finalement pourquoi pas le chirurgie placebo ? si ça marche ….. parce que le tout bien sûr est d’y croire…..et lorsque l’on croit tout peut arriver !

gadassov
4 années il y a

Un de mes patients souffrait d’une névralgie sciatique rebelle aux traitements.
Le chirurgien a ouvert, n’a rien trouvé, ni hernie ni rien pouvant atteindre le nerf.
Il a refermé.
Au réveil le malade était guéri.

MANGE Daniel
4 années il y a

Bjr.très intéressé par votre article, juste une question si vous permettez, je suppose que dans le groupe choisi pour l’intervention « placebo » les patients n’étaient pas informés, donc pour que « ça marche » il faut ignorer le protocole, être en condition d’avoir recours à cette intervention. Et si ça ne marche pas! comment expliquer à ce patient, qu’il faille recommencer? cette fois pour de bon?car cela reste nécessaire bien sûr…. Merci pour votre réponse. Cordialement D.MANGE

Philippe Devillers
4 années il y a

Bonjour Monsieur
Merci pour votre article qui m’a rendu perplexe et, à vrai dire, m’a amusé..
Toutefois, je vous écris parce que parlant de l’arthrose du genou, vous avez mis un renvoi (6) qui n’est pas renseigné sur cet article, pas plus que d’autres.(partie coupée ?)
Or il m’intéresse parce qu’un bon ami m’a annoncé ce matin qu’il allait recevoir une prothèse dans 10 jours, à Morangis.
Je sais que c’est contesté, mais j’aurais aimé en savoir plus.
Merci d’avance et recevez mes meilleures salutations
Philippe Devillers (du Vermandois, en Picardie)

Fradau
4 années il y a

Les « expériences » placebos montrent que c’est notre « esprit » notre croyance ou volonté qui est efficace Si on va jusqu’au bout du raisonnement pas besoin de médicament ni d’opération il suffit qu’on croit qu’on va guérir ou préventivement qu’on ne va pas tomber malade…c’est fantastique Alors croyons le Persuadons nous que rien n’est plus efficace que nous mêmes…